dimanche 26 juin 2011

Pourquoi s'en faire?

'…Les gens ont perdu leurs maisons, leurs terre et pis leur pays,
Tout ce que j'ai pu faire c't'une p'tite chanson, qu'ira pas plus loin qu'ici…'


Si vous êtes un habitué de ce blog, vous savez à quel point j’aime les références musicales. Les paroles de cette chanson de Paul Piché, écrite dans les années soixante-dix, sont très pertinentes et actuelles dans le cas présent. Je trouve que ça 'fitte' à la perfection.

Je vous invite d’abord à regarder cette vidéo.On en jase après. Lumières! Action!



Bon, et puis? Une situation semblable est peut-être déjà survenue dans votre région natale? Région qui s’est vidée petit à petit? Vous vous dites que c’est comme ça, qu’on n’arrête pas le progrès, et vous êtes ben content d’être venu vous installer en ville ou il y a de la job. Sachez que je n’écris pas ceci pour vanter les mérites de l’exode rural.

Vous êtes peut-être végétariens, voire végétaliens, et vous n’en avez rien à cirer, des poulets? Sachez que je n’écris pas ceci pour changer vos habitudes alimentaires.

Vous vous dites peut-être : Y a ben pire que ça dans la vie. Catastrophes naturelles, actes terroristes, réélection de Stephen Harper. Sachez que je n’écris pas ceci pour faire du sensationnalisme.

J’écris ceci parce que je ne sais pas quoi faire d’autre, pour le moment. Je le fais par solidarité. Par soutien moral. Par conscience sociale.

Que vous soyez urbains, végétariens ou martiens, il serait quand même étonnant que vous soyez insensible à ce que vivent les gens du Haut-Madawaska. Ce genre de drame humain, on connaît tous quelqu’un à qui c’est arrivé.

N’empêche que c’est vrai qu’il y a pire, ailleurs…Ailleurs…Mais vous savez quoi? Dans des moments de détresse personnelle, ça ne réconforte pas son homme (ni sa femme) de se faire dire qu’il y a pire dans la vie. Surtout ailleurs. Parce qu’ailleurs, c’est à l’étranger. C’est pas chez nous ça. C’est à la télé. Ailleurs, on parle de la vie d’autrui. On ne peut qu’être empathique avec autrui. On ne connaît même pas son nom, à autrui. Ni le nom de sa femme.

Tandis que lorsque c’est notre propre vie qui est bouleversée, notre petit monde qui est chamboulé, notre univers qui s’écroule, nos rêves qui s’évanouissent, ça vient nous ébranler au plus profond de nous même. C’est dans notre propre cour que ça se passe, pas à la télé, ni sur internet. Et ça touche les autres autour; familles, voisins, amis, partenaires d’affaires...On manque alors de recul pour relativiser.

J’émets ici une opinion toute personnelle. Je n’ai pas la prétention de connaitre le dossier à fond. Une amie m’en a dressée les grandes lignes. Fidèle à mon habitude, j’ai quelque peu googlé afin de me documenter d’avantage. Si vous désirez en savoir plus à votre tour, je vous suggère de cliquer ici.

Je ne prétends pas non plus être objectif dans ce dossier. J’ai vu la vidéo et j’ai tout de suite été interpellé par la dimension humaine. Même que si je l’avais réalisé cette vidéo, j’en aurais mis encore plus, des gens. Je serais allé chez eux. Je serais allé chez le jeune couple, dans la cuisine ou les enfants courent. Je serais allé chez les gens à quelques années de la retraite, dans leur salon, entouré de leurs souvenirs.

Ce côté humain, c’est la partie de l’équation qui ne figurera jamais dans aucune colonne de chiffres d’aucun bilan financier. C’est pour ça que j’aurais aimé en voir plus, du monde. La vidéo existe aussi en version anglaise, et le témoignage du monsieur y est encore plus touchant. Je peux toutefois comprendre que les gens tiennent à leur vie privée, que leur fierté est ébranlée, et que ce n’est pas donné à tous de se prêter au jeu de la caméra.

Lorsqu’on perd son emploi – je dirais même lorsqu’on est privé d’un emploi – les conséquences sont bien au-delà des tracas financiers. Lorsqu’on a travaillé toute sa vie au même endroit, avec les mêmes collègues, et que tout à coup c'est la mise à pied, on se sent exclu du groupe. On en souffre, de ce manque d'appartenance.

Vient aussi la question d'identité. Il me revient en mémoire une scène dont je fus témoin un jour, alors qu’on était en train de mettre à pied un employé de bureau qui était à l’emploie de la même compagnie depuis fort longtemps. L’employé avait demandé: 'Si je ne viens plus au bureau tous les matins, qui suis-je?'...On devinait que son travail était tout pour lui, et il n’avait jamais songé une seule minute à faire autre chose pour gagner sa vie.

Dans L’Acadie Nouvelle du 26 février dernier, le rédacteur en chef Jean Saint-Cyr, qui fait preuve de plus d’objectivité et qui possède une meilleure compréhension globale du sujet que votre humble blogueur, écrivait à propos des gens de la région :

'Ce conflit est aussi difficile à vivre pour plusieurs familles dont le bien-être est directement relié à la prospérité de l'industrie. Depuis deux ans et demi, cette prospérité, sinon celle des entreprises particulièrement celle de Saint-François, est rudement mise à l'épreuve. La loyauté de la région est coincée entre le groupe Westco formé de gens d'affaires du Madawaska et le groupe de Maple Lodge Farms qui, bien que de l'extérieur, s'est montré bon citoyen corporatif en rebâtissant son usine après l'incendie de 2002, un investissement d'une trentaine de millions de dollars.'
Pour l’article complet cliquez ici.

Je n’ai pas la vue d’ensemble de M Saint-Cyr. Par contre, je suis né et j’ai grandit au Madawaska. J’en ai déjà parlé sur ce blog. À un certain moment dans les années soixante-dix, il fut vaguement question que ma famille aille s’établir à St-François. Le destin en a voulu autrement, mais j’aurais pu être parmi ces personnes touchées par la situation actuelle. Sans connaître personnellement les gens dont il est question dans la vidéo, c’est assez facile de deviner leur inquiétude, leur angoisse, leur crainte.

Non, je ne connais ni les gens, ni le dossier. Pas besoin, pour comprendre qu’on est en train de vider une autre région. Au nom de la saine compétition. Au nom du progrès. Au nom de la rentabilité, de l’efficacité, de la productivité, et de tout autre mot d’universitaire qui se termine par ‘ité’. C’est ce qui pourrait arriver à la région de St-François. Les gens sont fiers de leur identité et de leurs racines brayonnes, mais ils sont avant tout fiers tout court. Pas question de vivre au crochet de la société. Ils choisiraient l’exil à la charité. La relocalisation au chèque de BS.

Pour les plus vieux, ceux qui sont près de la retraite, j’imagine que ça serait une autre histoire. Ils n’ont jamais planifié quitter la région, laisser derrière eux leur famille. Ces gens qui mènent une vie rangée, tranquille, me font penser à cette chanson de Gaston Mandeville:
'Quand t'es ben tranquille chez vous, assis à compter les hivers, pis à t'mêler d'tes affaires…'...C’est de cette façon que perçois ces braves gens.

Imaginez l’impact d’une mise à pied de 165 personnes dans une région de 3260 habitants. Le village de St-François lui-même comptait moins de 600 habitants en 2006, selon Wikipédia. La perte permanente de ces emplois, jumelée aux pertes additionnelles appréhendées seraient désastreuses pour l’équilibre de l’économie locale déjà fragilisée; fermeture de commerces, entreprises de services, etc.…

J’utilise ici volontairement le conditionnel, malgré le dommage déjà fait. Je garde espoir que la situation ne soit pas irréversible. Pour les travailleurs, pour leurs familles, pour cette région que je visite très peu souvent, mais qui me tient encore à cœur.

Plusieurs sont sceptiques quant à la volonté du groupe Westco de construire l’usine annoncée, qui garantirait les emplois dans la région. Pas besoin d’être un requin de la finance pour comprendre la stratégie. D’abord affaiblir le compétiteur, au point de le contraindre à fermer ses portes. Ensuite, tel un sauveur, un Père Noel, offrir des emplois aux gens qui auraient le choix entre accepter ou quitter la région.

Évidement, les offres seraient à la baisse. Pourquoi offrir de meilleures conditions de travail, s’il n’y a plus de compétition? Les travailleurs n’auraient plus aucun effet de levier, aucun pouvoir de négociation, n’offriraient aucune résistance. Ça me fait penser à un autre extrait de la même chanson de Paul Piché:

'…Vas-tu falloir attendre d’être rendu fous, d'être affamés,
Attendre d'avoir la corde au cou, les mains ben attaché,
Mais on n’a pas assez eu de misère, y nous faudrait l'enfer,
Avant de se révolter,
Mais on n’a pas assez eu de misère, y nous faudrait l'enfer
Avant de s'organiser…'


J’espère qu’on pourra encore renverser la vapeur. Pour ça, il faudra que le gouvernement du Nouveau-Brunswick bouge. Un gouvernement, c’est comme un gallon de peinture. Il faut le brasser de temps en temps pour pas qu’il devienne épais. Pour commencer à brasser, pour qu’il bouge, vous devrez d’abord vous faire entendre.

Je vous demande donc d’agir. D’envoyer un wake-up call aux principaux intéressés. Vous pensez qu’ils l’ont déjà eu? C’est qu’ils sont encore sur le snooze!!! Il faut sonner la charge de nouveau. Je mets ici le lien direct à une demande adressée aux différents paliers gouvernementaux. Pour que vous leur disiez: 'Come on, debout là-dedans !!!' Ça ne prendra que quelques secondes de votre temps:

http://www.nadeaupoultry.com/notre-lutte-pour-assurer-un-approvisionnement-alimentaire-securitaire-et-stable-et-garder-des-emplois-au-n-b/assumer-ses-responsabilites-pour-la-securite-alimentaire-et-les-emplois-locaux/

Vous avez déjà répondu? Bravo !!! Non? Comment ça pas encore? Faites-le tout de suite, avant de fermer cette page. Allez, allez!!! Sinon, vous allez l’oublier. Je le sais, je connais mes lecteurs. Faites-le maintenant. Faites-le avant que la rue Commerciale de St-François ne ressemble à la Rue Principale de la chanson des Colocs. Avant que ça ressemble au film La Grande Séduction. Avant que ça ne devienne un village mythique comme dans les monologues de Fred Pellerin. St-Élie- de-Caxton, St-François-de-Madawaska…Same difference?

À toutes et à tous, qui êtes touchés de près ou de loin par cette situation, bonne chance et bon courage. Si vous avez besoin d’une tribune, je vous invite à vous servir de ce blog pour laisser vos opinions, commentaires, ou simplement pour partager ce que vous vivez. La seule règle que je vous demande de suivre, est de ne pas faire de propos haineux, aussi justifiés et légitimes qu’ils puissent vous sembler.

Je suis avec vous de tout cœur.